La barrière invisible : La stigmatisation de la santé mentale
Le personnel de la sécurité publique est confronté à des taux élevés de troubles de santé mentale en raison du stress et des traumatismes liés au travail, et réduire la stigmatisation est essentiel pour favoriser le soutien et l’intervention précoce.
Santé mentale du personnel de la sécurité publique
Le personnel de sécurité publique (PSP) est confronté à des facteurs de stress uniques, tels que le travail posté, l’exposition à des événements traumatisants et le préjudice moral, c’est-à-dire la détresse psychologique résultant d’actions, ou de l’absence d’actions, qui violent le code moral ou éthique d’une personne. Ces facteurs contribuent à accroître les risques de problèmes de santé mentale comme la dépression, l’anxiété et le syndrome de stress post-traumatique (SSPT).
Une enquête nationale canadienne menée en 2016 et 2017 a révélé qu’environ 44,5 % des membres du PSP ont signalé des symptômes cliniquement significatifs correspondant à un ou plusieurs troubles mentaux. Notamment, 23,2 % présentaient des symptômes indiquant un trouble de stress post-traumatique (TSPT).
Les symptômes de troubles mentaux chez les membres du PSP peuvent se manifester de manière subtile, notamment par l’irritabilité, le retrait social et le manque de sommeil. Ces signes peuvent être facilement négligés, mais ils peuvent indiquer des problèmes de santé mentale sous-jacents qui nécessitent une attention particulière. D’autres signes subtils peuvent inclure un absentéisme accru, des difficultés de concentration, une sensibilité accrue à la critique et une diminution notable de la productivité ou des performances professionnelles. En outre, des symptômes physiques tels que des maux de tête fréquents, des problèmes gastro-intestinaux ou une fatigue inexpliquée peuvent également indiquer des problèmes de santé mentale. Au fil du temps, si ces symptômes sont ignorés, ils peuvent s’aggraver et contribuer à l’épuisement professionnel ou émotionnel, ou à des troubles plus graves comme l’anxiété ou la dépression, qui peuvent avoir des effets à long terme à la fois sur l’individu et sur le lieu de travail.
Les conséquences de la stigmatisation
La stigmatisation de la santé mentale fait référence aux attitudes, croyances et stéréotypes négatifs à l’égard des personnes souffrant de troubles mentaux. Dans les organismes de sécurité publique, la stigmatisation peut se manifester par des commentaires dédaigneux, la qualification de collègues par des termes comme «faibles» ou «inaptes» et la dissuasion des discussions ouvertes sur la santé mentale.
Cette stigmatisation conduit souvent au silence, au déni et à un retard de traitement, car les individus peuvent craindre d’être jugés ou de subir des répercussions. Par conséquent, les membres du PSP peuvent éviter de chercher de l’aide, ce qui exacerbe leur état et peut entraîner des conséquences graves telles que le suicide.
Les effets de la stigmatisation s’étendent au-delà du bien-être individuel et ont un impact sur la sécurité, la productivité et la dynamique d’équipe. Les problèmes de santé mentale non traités peuvent nuire à la prise de décision, augmenter l’absentéisme et réduire l’efficacité globale des organisations de sécurité publique.
Comprendre la stigmatisation liée à la santé mentale : à quoi elle ressemble et d’où elle vient
Comprendre la nature et les origines de la stigmatisation de la santé mentale est la première étape de son démantèlement, tant au niveau individuel que systémique, en particulier dans des environnements très stressants comme la sécurité publique, où les conséquences du silence peuvent être graves. Lorsque la stigmatisation n’est pas remise en question, elle renforce le cycle de la honte, de l’isolement et du retard dans les soins, ce qui fait qu’il est plus difficile pour les individus de reconnaître leurs difficultés ou de chercher du soutien.
Ceci est particulièrement dangereux dans les organisations de sécurité publique, où l’attente d’être fort, fiable et résilient peut pousser les individus à réprimer leurs émotions ou à endurer de graves problèmes de santé mentale. En reconnaissant la stigmatisation comme un obstacle, et non comme une défaillance personnelle, nous pouvons commencer à faire évoluer la culture vers une attitude qui valorise l’ouverture, l’empathie et la sécurité psychologique.
Voici trois types de préjugés différents qui contribuent au silence, à la sous-déclaration et au manque de soutien entourant la santé mentale dans les secteurs du service public :
Stigmatisation publique : Attitudes négatives de la société à l’égard des personnes atteintes de troubles mentaux, qui se manifestent souvent par des stéréotypes, de la discrimination ou un langage dédaigneux. Cela peut créer un environnement dans lequel les gens craignent d’être considérés comme faibles ou incapables s’ils révèlent leurs difficultés.
Autostigmatisation : Intériorisation de ces attitudes sociétales, où les individus commencent à croire aux stéréotypes négatifs sur la maladie mentale et à les appliquer à eux-mêmes. Cela peut conduire à un sentiment de honte, à une dévalorisation de soi et à une réticence à demander de l’aide, même lorsqu’elle est offerte.
Stigmatisation structurelle : Ancrée dans les politiques et les pratiques des institutions, y compris au sein du gouvernement et du service public. Les politiques qui ne prennent pas suffisamment en compte la santé mentale, le manque de formation des superviseurs et l’insuffisance des systèmes de soutien contribuent à créer des environnements où la stigmatisation persiste et où le bien-être mental n’est pas considéré comme une priorité.
Les récits culturels sur la dureté et le stoïcisme perpétuent encore davantage la stigmatisation dans les organisations de sécurité publique. L’attente de «surmonter» les défis sans exprimer de vulnérabilité décourage les individus de reconnaître leurs problèmes de santé mentale et de chercher du soutien.
Que peut-on faire ?
La réduction de la stigmatisation de la santé mentale chez les membres du PSP nécessite une approche globale qui implique à la fois des actions au niveau individuel et des changements systémiques à l’échelle de l’organisation. Les changements durables dépendent de l’évolution des attitudes personnelles tout en transformant la culture du lieu de travail, les politiques et les pratiques de leadership.
Changements au niveau individuel
Encouragezune culture de l’attention : Normalisez les comportements de recherche d’aide en prenant des nouvelles des collègues, en encourageant le soutien par les pairs et en sensibilisant à la santé mentale. La création d’un environnement où les gens se sentent en sécurité pour parler peut contribuer à réduire la stigmatisation et à promouvoir une intervention précoce.
Utilisezun langage de soutien : La façon dont nous parlons de la santé mentale est importante. Évitez les étiquettes stigmatisantes et encouragez plutôt les conversations ouvertes, respectueuses et empathiques sur le bien-être mental.
Éduquez-vous et éduquez les autres : Remettez en question les idées fausses en partageant des informations et des points de vue personnels. S’exprimer lorsqu’on est confronté à des informations erronées ou à des commentaires dédaigneux peut contribuer à modifier les attitudes et à réduire la stigmatisation au sein des équipes.
Changements au niveau du système
Élaborez des politiques globales en matière de santé mentale : Les organisations doivent établir des politiques claires et bien communiquées qui protègent la confidentialité, encouragent la recherche d’aide et décrivent les mesures d’accommodement offertes. Ces politiques doivent être renforcées par une communication et une formation continues.
Veillez à ce que les accommodements soient accessibles et durables, tels que des tâches modifiées, des horaires flexibles ou des plans de retour progressif au travail.
Protégez les personnes qui révèlent des problèmes de santé mentale contre la discrimination ou les limitations de carrière.
Formation des dirigeants et des superviseurs : Donnez aux dirigeants les connaissances et les outils nécessaires pour reconnaître les signes de problèmes de santé mentale, réagir de manière positive et éviter les réactions punitives ou dédaigneuses. Les dirigeants jouent un rôle essentiel dans l’adoption d’un comportement compatissant et dans la promotion d’un lieu de travail psychologiquement sûr.
Ressources accessibles et adaptées en matière de santé mentale : Fournissez un accès rapide à des services de santé mentale appropriés, y compris des soins tenant compte des traumatismes, des conseils et des programmes de soutien par les pairs. Ces ressources doivent être adaptées aux difficultés spécifiques rencontrées par le PSP, telles que l’exposition aux traumatismes, les environnements très stressants et les préjudices moraux.
Plus de ressources :
Liste de références
Association psychiatrique américaine. (n.d.). Stigma, prejudice and discrimination against people with mental illness. https://www.psychiatry.org/patients-families/stigma-and-discrimination
Carleton, R. N., Afifi, T. O., Taillieu, T., Turner, S., Mason, J. E., Ricciardelli, R., . & Sareen, J. (2020). Examining mental health knowledge, stigma, and service use intentions among public safety personnel. Frontiers in Psychology, 11, 949. https://doi.org/10.3389/fpsyg.2020.00949
Centres pour le contrôle et la prévention des maladies. (2023). Mental health stigma. https://www.cdc.gov/mental-health/stigma/index.html
Corrigan, P. W. et Rao, D. (2012). On the self-stigma of mental illness : Stages, disclosure, and strategies for change. The Canadian Journal of Psychiatry, 57(8), 464-469. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3610943/
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Gouvernement du Canada. (2018). Cadre fédéral relatif au trouble stress post-traumatique : reconnaissance, collaboration et soutien. https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/publications/vie-saine/cadre-federal-trouble-stress-post-traumatique.html