Diriger les premières lignes : Comment le leadership peut soutenir la santé mentale dans les organisations de personnel de la sécurité publique
Un leadership fort et bienveillant est essentiel dans les organisations de la sécurité publique pour protéger la santé mentale, réduire la stigmatisation et renforcer la résilience dans des environnements à haut stress.
Les membres du personnel de la sécurité publique (PSP), tel que les policiers, les ambulanciers, les pompiers, les répartiteurs, les agents correctionnels et les agents des services frontaliers, travaillent en première ligne pour assurer la sécurité de la société. Ils sont confrontés à des incidents traumatisants ainsi qu’à des facteurs de stress organisationnels et opérationnels, et doivent maintenir une performance élevée sous pression. Le leadership au sein de ces organisations joue un rôle essentiel dans les résultats en matière de santé mentale de leurs équipes. Pourtant, de nombreux leaders sont sous-formés, peu soutenus ou eux-mêmes dépassés. Alors que la crise de santé mentale continue de s’aggraver dans les professions d’aide, les leaders ont besoin de stratégies ciblées pour créer des milieux de travail psychologiquement sûrs.
Il est crucial de comprendre comment les leaders du PSP peuvent mieux soutenir la santé mentale et le bien-être de leurs équipes tout en cultivant la résilience dans des environnements à haut risque et à forte demande. S’appuyer sur des recherches récentes et des pratiques exemplaires peut offrir une feuille de route pour un leadership compatissant, réactif et fondé sur des données probantes.
Le coût psychologique du travail du PSP
Le travail en sécurité publique implique une exposition chronique aux traumatismes, ce qui fait que les travailleurs courent un risque accru d’anxiété, de dépression, de trouble de stress post-traumatique, d’épuisement professionnel et d’idéation suicidaire. Contrairement à la population générale, les membres du PSP sont plus susceptibles de subir un stress cumulatif lié à des thèmes traumatiques répétés (par exemple, exposition à la violence, à la mort ou à des préjudices envers des enfants), et non à un seul incident traumatique (Carleton et al., 2018).
Ces conditions se manifestent souvent de manière subtile avant de se transformer en crises. Les leaders doivent être attentifs à des signaux comportementaux tels qu’une irritabilité accrue, un retrait, de l’absentéisme et des comportements imprudents. Des marqueurs émotionnels comme le désespoir, la surcharge et l’instabilité de l’humeur s’accompagnent souvent de signes physiques comme l’insomnie, les maux de tête et la fatigue chronique, qui indiquent une détresse plus profonde.
Le leadership comme facteur de protection
La qualité du leadership est l’un des meilleurs prédicteurs du bien-être des employés. Une étude de l’Institut canadien de recherche et de traitement en sécurité publique (ICRTSP) souligne que lorsque les leaders font preuve d’empathie, reconnaissent les risques psychologiques et soutiennent activement leurs équipes, les membres du PSP sont moins susceptibles de présenter des troubles de santé mentale (ICRTSP, 2023).
Malheureusement, en raison de la culture hiérarchique et de la pression liée à la performance dans les organisations de sécurité publique, il est souvent difficile pour les leaders de montrer leur vulnérabilité ou même de reconnaître le stress. Cette culture du stoïcisme peut se transmettre aux travailleurs de première ligne, renforçant la stigmatisation et le silence autour de la santé mentale. La formation des leaders doit se concentrer sur la déconstruction de ces normes et la mise en place de styles de supervision informés par les traumatismes.
Cinq façons dont les leaders du PSP peuvent soutenir la santé mentale
Commencer par la sécurité psychologique
La sécurité psychologique fait référence à la croyance que les individus peuvent s’exprimer, admettre leurs erreurs et demander de l’aide sans crainte de punition ou de moquerie. Cette base est essentielle pour le soutien en santé mentale. Les leaders devraient régulièrement prendre des nouvelles de leurs équipes en dehors des moments de crise, en utilisant un langage empathique tel que :
« J’ai remarqué que les choses semblent plus lourdes dernièrement. Comment ça va ? »
Les bilans réguliers normalisent les conversations sur le bien-être et réduisent la probabilité que les travailleurs attendent une crise pour demander de l’aide.
Reconnaître les premiers signes et y répondre
La capacité de distinguer le stress professionnel normal des préoccupations sérieuses en matière de santé mentale est essentielle. Les leaders doivent être attentifs aux changements comportementaux, émotionnels et physiques, tels que :
Baisse de performance ou d’intérêt pour le travail
Absences inexpliquées
Engourdissement émotionnel ou détachement
Expressions de désespoir
Selon l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM), une approche structurée en cinq étapes peut aider les superviseurs à avoir des conversations initiales efficaces :
Préparer – Trouver un espace privé et sans jugement.
Énoncer les observations – Se concentrer sur les faits, et non sur les suppositions.
Demander sincèrement – Montrer de la curiosité et de l’attention.
Offrir de l’aide – Collaborer à des solutions pratiques.
Faire un suivi – Réfléchir et reprendre contact.
(ACSM, 2021)
Intégrer les ressources en santé mentale dans les politiques et les pratiques
Les leaders devraient faire preuve de proactivité et mettre les membres de l’équipe en contact avec des services de santé mentale — y compris des cliniciens spécialisés en traumatismes, des programmes d’aide aux employés (PAE) ou des réseaux de soutien par les pairs. Mais l’accès seul ne suffit pas. L’intégration dans la culture quotidienne est essentielle.
Planifiez des séances d’information régulières sur la santé mentale, des ateliers de pleine conscience ou de résilience, et des débriefings après incident critique. Incluez des questions sur la santé mentale dans les évaluations de la performance et les évaluations d’équipe. Montrez l’exemple en prenant soin de vous-même.
Une étude de 2022 a révélé que les organisations qui intégraient les conversations sur la santé mentale dans les pratiques de leadership de routine ont constaté une diminution de 37 % de l’épuisement professionnel signalé parmi leurs équipes (APA, 2022).
S’attaquer aux facteurs de stress organisationnels, et non seulement opérationnels
Bien que l’exposition à des traumatismes soit un risques reconnu, les facteurs de stress organisationnels, tels que les longues heures de travail, un mauvais leadership, une communication floue et un manque d’autonomie, sont souvent plus corrosifs à long terme (Carleton et al., 2020).
Les leaders doivent plaider pour un changement structurel :
Revoir les politiques d’heures supplémentaires et les modèles de travail
Faire participer les équipes à la prise de décision
Améliorer les canaux de communication internes
Réduire la supervision punitive ou descendante lorsque possible
Un leader informé sur les traumatismes ne se contente pas de répondre à la détresse, il agit aussi pour en réduire les causes profondes dans l’environnement de travail.
Soutenir le bien-être des leaders
Les leaders du PSP ne sont pas à l’abri du stress. Beaucoup gèrent leurs propres antécédents de traumatismes tout en soutenant les besoins émotionnels de leurs équipes. Pourtant, ils sont souvent les derniers à demander de l’aide.
Les organisations devraient offrir du coaching en leadership, des consultations cliniques et des périodes réservées au bien-être. Comme l’a indiqué un superviseur paramédical dans une étude qualitative récente : « On ne peut pas verser à partir d’une tasse vide, mais le leadership ne nous donne pas toujours le temps de la remplir » (Mehta et al., 2023).
La création de forums entre pairs où les leaders peuvent débriefer, gérer le stress et apprendre les uns des autres est essentielle pour un leadership durable.
Du commandement à la compassion
Les exigences envers les organisations de sécurité publique risquent peu de diminuer. Cependant, la manière dont le leadership répond à ces exigences peut faire la différence entre l’épuisement organisationnel et la résilience. Un nouveau modèle de leadership émerge — un modèle qui privilégie l’empathie, la communication ouverte et le bien-être structurel.
Les leaders qui s’appuient sur leur humanité, qui laissent de la place à la vérité émotionnelle et qui prennent des mesures proactives pour se soutenir eux-mêmes et soutenir leurs équipes ne se contentent pas d’améliorer les résultats en matière de santé mentale — ils construisent l’avenir d’une sécurité publique durable.
Références
American Psychological Association (APA). (2022). Work and Well-being Survey: The Impact of Workplace Culture on Employee Mental Health. https://www.apa.org/news/press/releases/stress/2022/march-workplace-wellbeing
Institut canadien de recherche et de traitement en sécurité publique (ICRTSP). (2023). Supporting the Mental Health of Public Safety Personnel: A Guide for Leaders.
Carleton, R. N., Afifi, T. O., Turner, S., Taillieu, T., LeBouthillier, D. M., Duranceau, S., ... & Asmundson, G. J. G. (2018). Mental Disorder Symptoms among Public Safety Personnel in Canada. Canadian Journal of Psychiatry, 63(1), 54–64. https://doi.org/10.1177/0706743717723825
Carleton, R. N., Reichert, C., Hozempa, K., & Hozempa, J. (2020). Stress, Trauma, and Organizational Culture in PSP Workplaces. Journal of Occupational Health Psychology, 25(4), 246–259.
Association canadienne pour la santé mentale (ACSM). (2021). Not Myself Today Toolkit for Leaders. https://cavapasaujourdui.ca
Mehta, S., Jackson, D., & Gordon, M. (2023). The Emotional Load of Leading PSP Teams: A Qualitative Study of Paramedic Supervisors. Emergency Health Journal, 19(2), 112–119.