Les blessures invisibles des troubles de santé mentale
La stigmatisation empêche les gens de demander de l’aide. Apprenez à reconnaître les signes de détresse, à soutenir vos collègues et à créer un milieu de travail empreint de compréhension.
Les troubles de santé mentale se manifestent souvent de deux manières. D’une part, il y a les symptômes, la détresse et les incapacités causées par les troubles de santé mentale graves. D’autre part, il y a les répercussions des préjugés et la douleur ressentie par les personnes aux prises avec ces troubles en raison de la désapprobation sociale. Dans les deux cas, les contrecoups laissent des blessures invisibles.
L’invisibilité peut, à première vue, être considérée comme étant un pouvoir magique pour les personnes présentant des symptômes de troubles de santé mentale. On peut cacher ces symptômes et personne ne s’en rendra compte, n’est-ce pas? On pense que la douleur disparaîtra si personne ne voit. Par contre, les problèmes s’aggravent souvent au fil du temps et deviennent plus difficiles à cacher.
Dans cet article, nous aborderons les questions suivantes :
Comment les préjugés compliquent le fait de demander de l’aide
Comment les personnes gèrent leur situation sans aide
Comment détecter les signes de détresse mentale chez un·e collègue ou un·e employé·e
Manières d’entamer une conversation sur la santé mentale au travail
Stratégies de lutte contre les préjugés au travail
L’histoire de Bill
Imaginez Bill. Il est atteint d’un trouble de santé mentale, mais c’est une personne comme vous et moi. Il pourrait être votre collègue, votre employé, votre ami, ou ce pourrait être vous. Les problèmes de santé mentale peuvent toucher tout le monde. La recherche a montré que les problèmes de santé mentale découlent d’un mélange de gènes, de défis personnels et de stress lié à la vie personnelle et professionnelle. De nombreuses personnes présentent des facteurs de risque tels que des antécédents familiaux, des épreuves difficiles ou un stress important.
Par peur d’être jugé, Bill cache ses sautes d’humeur, son manque d’énergie et son anxiété. Dans des milieux comme l’école ou le travail où tout le monde se sent obligé d’avoir un bon rendement, beaucoup de personnes renoncent à demander de l’aide. Des études révèlent que plus de la moitié des personnes atteintes de problèmes de santé mentale refusent de demander de l’aide parce qu’elles craignent le jugement des autres ou que cela nuise à leurs chances de réussite.
Se familiariser avec les préjugés et avec leurs répercussions
Une personne qui fait face à un préjugé est marquée par la honte, le déshonneur ou la désapprobation. Elle peut se sentir rejetée, discriminée et exclue de bon nombre de sphères de la société. Une personne qui présente un problème de santé mentale est souvent victime de mauvais traitement ou de rejet par les autres. Cette peur du jugement empêche de nombreuses personnes de raconter les épreuves qu’elle traverse. Certain·e·s professionnel·le·s cachent parfois leurs problèmes de santé mentale pour ne pas nuire à leur travail ou à leur réputation.
Une étude a révélé que les employé·e·s craignent que leurs gestionnaires aient une mauvaise opinion d’eux·elles s’ils·elles utilisent des services en santé mentale. Ils·elles hésitent aussi à utiliser des services de counseling au travail s’ils·elles pensent que cela pourrait avoir des répercussions négatives sur leurs perspectives d’emploi.
Comment les personnes comme Bill gèrent leur situation sans aide
Une personne comme Bill qui ne reçoit pas l’aide dont elle a besoin essayera de gérer ses problèmes par elle-même. Certaines personnes se rétablissent naturellement si elles ont un système de soutien solide. D’autres, en revanche, peuvent tomber dans des habitudes malsaines. Ces personnes peuvent commencer à nier leurs émotions, à travailler trop dur ou à utiliser des substances comme l’alcool pour faire face à leur souffrance. Chaque personne réagit à sa manière et tous les mécanismes d’adaptation ne sont pas bons pour la santé à long terme.
Remarquer les signes
Il peut être difficile de remarquer les symptômes de détresse mentale, car ils ne sont pas toujours évidents. Remarquez plutôt les changements de comportement. Une personne qui avait l’habitude d’être joyeuse peut devenir renfermée, avoir des accès de colère ou sembler très anxieuse. Elle pourrait aussi avoir des problèmes de concentration, des difficultés à se souvenir des choses ou s’absenter de son travail. La recherche montre que de tels changements, y compris l’absentéisme ou le présentéisme (présence au travail, mais difficulté à accomplir les tâches), indiquent clairement qu’une personne a besoin d’aide. Certains signes peuvent être subtils, comme le fait de quitter brusquement la pièce pendant une réunion.
En tant que collègue ou gestionnaire, être attentif·ve à ces éléments permet d’entamer une conversation qui contribuera à mettre fin à l’isolement de Bill.
Parler de santé mentale au travail
Si vous remarquez qu’une personne n’agit pas comme d’habitude, il peut être utile de lui parler gentiment en privé. Entamez une conversation avec des mots simples comme : « J’ai remarqué que tu t’es absenté·e du travail et je voulais prendre de tes nouvelles. Comment ça va? » Ainsi, vous lui montrez que vous avez de l’empathie pour elle. Il est important de parler de ses émotions et de son rendement professionnel et non de formuler des hypothèses sur sa santé.
Mais le fait d’entamer la conversation ne signifie pas que Bill va s’ouvrir. Par contre, il est plus probable que Bill raconte ce qui se passe si vous commencez par lui demander comment il va. Ne commencez pas par : « Pourquoi tu manques de concentration au travail? Il faut que ça change. »
C’est une question délicate à aborder : les gestionnaires ne peuvent pas poser aux employé·e·s des questions sur leur santé mentale. Les conversations doivent rester centrées sur les problèmes de rendement et les préoccupations.
Les gestionnaires doivent d’abord s’informer du soutien offert aux personnes qui éprouvent des difficultés : les ressources, les démarches et les aménagements offerts aux employé·e·s en détresse. Lorsque vous parlez à une personne, il est préférable de l’écouter attentivement, de respecter sa vie privée, de l’aider à se sentir en sécurité et à l’aise et de l’encourager à demander de l’aide. Évitez de faire des discours de motivation et des accusations, de dire que vous avez traversé la même épreuve (à moins que ce soit le cas et que la personne puisse s’y reconnaître), d’attribuer un problème à un diagnostic précis ou d’empiéter sur sa vie privée au sujet des causes sous-jacentes à ses problèmes. Vous devez mettre l’accent sur l’écoute et la recherche de solutions.
Bill pourrait ne pas être prêt à en parler et avoir une réaction vive et défensive. Si une telle situation se produit, prenez du recul – vous savez que vous avez lancé une idée et que Bill pourrait revenir vous en parler plus tard. N’oubliez pas que ces conversations sont privées et que c’est l’employé·e qui décidera des mesures à prendre, à moins qu’il n’y ait un risque de préjudice.
Lutter ensemble contre les préjugés
L’un des meilleurs moyens de lutter contre les préjugés est d’avoir des conversations ouvertes et positives sur la santé mentale, et pas seulement dans les moments difficiles. Lorsque les gens racontent leurs expériences et s’écoutent mutuellement, cela permet à chacun·e de comprendre que les problèmes de santé mentale sont fréquents et surmontables. La création d’un climat favorable peut inciter un plus grand nombre de personnes à demander de l’aide sans crainte.
Au final, des ressources et des services doivent être mis en place pour soutenir les personnes qui cherchent de l’aide.
Références
Corrigan, P. (2022). « Coming out proud to erase the stigma of mental illness. » World Psychiatry. (Seulement en anglais)
Everett, B. (2006). « Stigma: The Hidden Killer. » Mood Disorders Society of Canada. Consulté le 11 mars 2025. (Seulement en anglais)
Liwanag, R. (21 octobre 2015). « More than half of employees who are mentally ill don't get help. Here's what employers can do. » Financial Post. Consulté le 11 mars 2025. (Seulement en anglais)
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Public Health Agency of Canada. (15 septembre 2017). « About mental illness. » Consulté le 11 mars 2025. (Seulement en anglais)
Walton, L. (22 août 2006). « Exploration of the attitudes of employees towards the provision of counselling within a profit-making organisation. » Counselling & Psychotherapy Research. (Seulement en anglais)